Annika Bruna
07 novembre 2023
Comme le relevait dernièrement mon collègue Jean-Paul Garraud[1], la Commission européenne a publié le 24 octobre dernier un plan d’action encourageant une nouvelle fois l’implantation d’éoliennes au sein de l’Union européenne, en facilitant notamment l’accès aux financements et l’octroi des permis, pour remédier à la « sous-utilisation des capacités de production ».
Opacité sur le bilan environnemental des éoliennes.
Comme toujours, la Commission occulte le véritable bilan environnemental des éoliennes, à différentes étapes, notamment lors de :
- Leur construction : les éoliennes offshores nécessitent des métaux rares - néodyme et dysprosium - qui doivent être extraits du sol, en utilisant et en polluant beaucoup d’eau et en recourant à de l’énergie essentiellement fossile ;
- Leur fonctionnement : leur intermittence nécessite de les coupler avec des centrales thermiques polluantes, telles que les centrales à charbon ;
- Leur implantation : elles impactent tant la faune marine que la faune terrestre, en tuant par exemple les chiroptères et les rapaces, prédateurs indispensables dans nos écosystèmes ;
- Leur démantèlement : les filières de recyclage des pales ne sont pas encore mises en place pour traiter la fibre de verre.
Ce bilan environnemental n’a pas découragé jusqu’ici la Commission et les États membres à favoriser le financement de ces infrastructures, à un prix exorbitant, notamment en rachetant l’électricité produite à un coût supérieur au coût de l’électricité produite par le nucléaire ou l’hydroélectricité.
Opacité sur le véritable objectif de la Commission : sauver le soldat Siemens Gamesa.
Confrontée notamment à une inflation des matériaux, à une flambée des taux d'intérêt, à des ruptures d’approvisionnement et à une concurrence chinoise féroce, les plus grands constructeurs européens d’éoliennes ont subi des pertes d’exploitation significatives ces dernières années.
La filiale éolienne de Siemens Energy, Siemens Gamesa, accumule les pertes : un milliard d’euros sur son exercice 2021-2022[2], auquel s’ajoutent désormais des pertes liées aux défaillances dans des composants d'éoliennes évaluées à 1,6 milliard d'euros, « se traduisant par une perte record de 3 milliards d'euros au troisième trimestre »[3].
Le groupe allemand estime que ses pertes se monteront à 4,5 milliards d'euros pour 2023.
Les composants défectueux sont principalement situés sur les roulements et les pales de rotor des turbines des éoliennes terrestres. Ces défaillances nécessiteront des réparations importantes, à savoir une « remise en l’état massive dans les prochaines années »[4].
Heureusement pour ce groupe, la Commission vient à la rescousse avec ce paquet européen sur l’énergie éolienne qui - surprise ! - est fortement teinté de protectionnisme puisqu’il encourage « des critères d’attribution […] qui récompensent les produits à plus forte valeur ajoutée et favorisent l’expansion industrielle, afin de mieux soutenir une industrie éolienne innovante et compétitive », en Europe, plutôt que les fabricants chinois »[5].
Dans le même sens, la Commission n’exclue pas d’activer ses instruments de défense commerciale contre les pays tiers qui subventionnent les éoliennes qu’ils exportent vers l’Union européenne.
En tant que Français, on ne peut que rester interdit, bouche bée, par cet étonnant accès de patriotisme économique de la part de la Commission européenne.
S’agit-il de la même Commission qui refuse d’entendre la voix de nos agriculteurs lors des négociations sur les traités de libre-échange ?
S’agit-il de la même Commission qui se montre intraitable lorsque la France, forte du principe de neutralité technologique, défend l’avenir de ses filières nucléaires ou hydroélectriques ?
En tout cas, le paquet éolien défendu par la Commission européenne tombe à pic pour une industrie éolienne en perdition. Ce favoritisme, à la fois vis-à-vis d’une énergie et d’un État membre, donne encore plus de sens à la demande du Rassemblement National de sortir du marché européen de l’électricité et plus largement, du marché européen de l’énergie.
Pour ma part, j’ajouterais que défendre le principe de neutralité technologique, selon lequel l’autorité publique doit éviter d’imposer une préférence pour ou contre une technologie donnée, permettrait d’éviter à l’Europe de faire bien des « bêtises », que ce soit dans le secteur de l’énergie, de l’automobile ou encore du numérique...
1 https://archives.id-france.eu/eoliennes-une-energie-couteuse-et-inefficace/
3 https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/eolien-siemens-energy-accumule-des-pertes-trimestrielles-record-972304.html4 Idem.
Éolien en faillite : la Commission européenne à la rescousse de l’industrie allemande.
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